SCULPTURES & ECRITURES BUISSONNIERES
L'Immaculée Conception
Chapitre 12 Joseph
12
Joseph vient de rentrer d’Annecy. Calme plat au boulot, comme si les brillances de Noël faisaient oublier la comptabilité … Cela redémarrera sur les chapeaux de roues en janvier. Joseph est dans la salle de bain du rez-de-chaussée, il a l’habitude de se mettre en vieux vêtements pour rester chez lui, au grand dam parfois de Marie, qui le trouve trop pépère. Joseph s’observe nu dans le grand miroir : ce ne sont plus des poignées d’amour, c’est carrément une bouée de sauvetage et puis, ces poches sous les yeux, et puis, mes cheveux qui se barrent… Quel tableau ! Joseph observe aussi son sexe au repos : les poils pubiens sombres, sa queue, ses couilles. Il relève sa verge, se tient les testicules et il se met à les interpeller. Espèces de petites salopes stériles, pas de bébé, il n’y aura jamais de bébé qui viendra de vous. Il aurait tellement aimé engrosser Marie, la féconder, la fertiliser.
Joseph, tu viens ? réclame Marie.
Bon, allez, dépêche-toi, le Joseph. T’as assez traîné ! Oh merde, il faut qu’on installe le sapin. Tu parles d’un truc !
Ils ont prévu d’installer le sapin dans le salon, juste en face de la fenêtre qui donne à l’Est, au lever du jour.
Ce n’est pas un grand sapin, mais il est assez fourni. En fait ce n’est même pas un sapin du tout, mais un épicéa du coin. Marie a choisi toutes les décorations, guirlandes, lumières, boules, objets, dans trois couleurs : argenté, bleu, blanc. Elle en a acheté suffisamment pour créer avec des branches de sapin une couronne à la porte d’entrée de la maison, pour décorer les hauts des portes du salon et de la cuisine, pour décorer la table du réveillon.
Joseph a mis un vieux CD de Michel Berger. « Splendide hasard, splendide amour, passion déchue ». Ils ne se parlent pas : chacun est claquemuré dans son silence face au sapin, en compagnie des chats silencieux et de Follette endormie sur son coussin. Joseph ressasse l’absence d’enfant, le refus de Marie d’adopter un enfant, sa volonté de refuser l’insémination. Marie continue à se raconter son histoire : non, pas d’adoption, ce que je veux, c’est un enfant de ma chair. J’ai besoin de sentir un enfant dans mon ventre, je veux avoir mal aux seins, je veux que mon ventre devienne gros comme une citrouille. Non la solution, ce n’est même pas l’insémination, c’est complètement froid, glacial, comme idée.
Non, il faut que je choisisse un père biologique, sans faire de mal à Joseph, un homme qui accepte de ne me donner que ses gamètes, et sa tendresse. Un homme, avec lequel il n’y a pas danger d’amour, avec lequel il n’y a pas de danger de paternité affective…Je ne lui en ai pas encore parlé, à mon Giuseppe, mon croquant, tout tristounet. Il va falloir, parce que c’est pour cela que je les ai invités, ces mecs, au Réveillon de Noël ! Un peu rengaine, le Michel Berger.
Chéri, tu peux me mettre autre chose ? Gotan tango, par exemple, hein ?