SCULPTURES & ECRITURES BUISSONNIERES
L'Immaculée Conception
Chapitre 15 Elisabeth
Immaculée Conception
Chapitre 15
Bon, j’ai chargé la voiture, Man. Je vais y aller. J’en ai pour deux heures, deux heures et demie jusqu’à Grenoble. Normalement, je ne t’appelle pas, hein, ce n’est pas la peine. Je t’appellerai pour les réveillons, enfin, si les portables passent. De toute façon, je te donnerai des nouvelles.
Ecoute, Nico, tu peux quand même me faire un petit coucou lorsque tu arriveras sur Grenoble. On ne sait jamais ce qui peut arriver.
Mais non, Man. Qu’est-ce que tu veux qu’il m’arrive ?
Bon écoute, tu feras ce que tu veux. Tu n’as pas oublié ta sacoche, ta montre, les papiers de ta voiture ? Tu as du liquide ?
Lâche-moi les baskets, Man. J’ai dix-neuf ans, j’ai toujours l’impression que tu me considères comme un gamin demeuré. Allez, j’y vais, Man. Bisous. Et passe un bon réveillon de Noël chez ta copine Marie. Embrasse-les pour moi. A plus, Man.
Nicolas ouvre la porte de la cuisine qui donne sur la cour arrière. Il jette un dernier coup d’œil à sa mère. Il referme la porte. Elisabeth entend ses pas sur le gravier, la portière de la voiture que Nicolas reclaque, le bruit du moteur qui se met en route. Elle aperçoit par la fenêtre la voiture qui remonte l’allée. Nicolas donne un dernier coup de klaxon avant de s’engager sur la chaussée.
Ca y est, il est parti. Bon, c’est normal, ramène ta fraise, toi. Laisse-lui donc son oxygène, à ton gamin. Et puis, sa voiture a été révisée, et elle a des pneus neige. Allez, ma Belle, il faut te préparer pour ce soir : bain, maquillage, habillage, emballage des cadeaux, emballage du reste, ouais ! Ah oui, il faut aussi que j’appelle Maryse et Tonton Jean pour leur souhaiter un bon réveillon. Allez, il faut que je me prépare pour aller chez les Vennoz. Je ne sais pas si ça leur plaira comme cadeaux : j’ai fait avec les moyens du bord. Cinq mecs ce soir, un hétéro déjà pris, les autres, des homos ! Tu parles, je ne vais pas refaire ma vie sentimentale, ce soir, non !
Qu’est-ce qu’elle a bien voulu dire Marie hier au téléphone ? Elle aura des choses à dire qui seront un peu bizarres. Et pas moyen de lui faire cracher le morceau. Pourtant j’ai insisté. Ca leur manque, un petit ou une petite. Lui, ça le rend triste et elle, ça commence à la tournebouler. C’est peut-être de cela qu’elle va parler. Mais c’est bizarre, les dernières fois où je lui en ai parlé, j’ai bien senti qu’il n’était plus question d’adoption. Pourtant je leur avais donné des contacts pour la Roumanie. A moins qu’elle revienne à son idée d’insémination. Pauvre Joseph, cela ne doit pas être facile pour lui. Oh je la comprends. Même si c’est dur avec Nico, même si je dois le laisser s’envoler, il sera toujours mon fils, la chair de ma chair. Mon petit Bébé à moi, qui a été dans mon ventre. Mon souvenir vivant de Lorenzo. Bon allez, arrête. Ta baignoire est prête, ma chérie, l’eau est bien chaude comme tu l’aimes. Pas plus d’un quart d’heure de lecture, tu n’as pas que cela à faire, hein, ma petite Bethzette. Oui, mais c’est tellement bon quand l’eau est bien chaude, avec une bonne tasse de thé sur le bord de la baignoire, que je bois à petites gorgées à la fin de chaque chapitre ! Et puis au moins, je ne penserais pas à Nico sur la route. Laisse-le, laisse-le, ma Belle. Il est jeune, il est beau, et raisonnable, fais-lui confiance. Allez, à poil et dans l’eau. Ah, oui, le thé dans la cuisine. Et puis, le téléphone portable, on ne sait jamais. Oh, Elisabeth, tu fais chier. Et alors, ça ne coûte rien de ramener le portable dans la salle de bain et personne ne le voit, alors ! Tu m’agaces, ma fille, allez, grouille-toi !